Après la loi contre la manipulation de l'information, promulguée le 22
décembre 2018, qui imposait la coopération des plateformes afin de lutter
contre la diffusion de fausses nouvelles susceptibles de troubler l'ordre
public, la loi contre la haine en ligne ou loi Avia, déposée en mars 2019 à
l'Assemblée Nationale sera vraisemblablement adoptée le 13 mai prochain. La loi modifie la responsabilité des plateformes internet comme Twitter,
Youtube, Google ou encore Facebook afin de leur imposer un retrait en 24
heures des contenus "haineux" et surtout d'empêcher leur réapparition. Si
cela n'est pas effectué, elles risquent 1,25 millions
d’euros. Les personnes physiques, quant à elles, risquent une amende de 250 000 euros ainsi qu'un an
d'emprisonnement.
Le texte a été critiqué par la Commission nationale consultative des droits de
l’Homme (CNCDH) qui la
juge
"inadéquate et disproportionnée", par la Ligue des droits de l’Homme qui
explique
que la caractérisation des contenus haineux du texte est "particulièrement
large". Le
Conseil national du numérique, la Quadrature du net, la République tchèque ainsi que la Commission européenne ont eux aussi
réagit défavorablement. Voici les dérives qu'ils redoutent :
- Des atteintes à la liberté d’expression : contextualisation impossible des contenus publiés et republiés « à des fins éducatives, artistiques, journalistiques ou de recherche, pour exprimer des points de vue polémiques, controversés et dissidents dans le cadre de débats publics ou d'activités de sensibilisation ».
-
Toutes les plateformes sont concernés quelques soient leur taille. Il y a
donc une inquiétude pour ceux hébergeant des instances mastodon ou
peertube, comment pourront-ils vérifier tout le contenu publié ?
- Atteinte aux données à caractère personnel ou à la vie privée des utilisateurs.
- Apparition d'une surveillance généralisée.
- Censure par la suppression automatisée des contenus (tweets, vidéos, images) licites par le filtrage automatique et général de tout et n'importe quoi. Comment un algorithme ou une IA distinguera un message haineux d'un message satirique ou ironique ?
Dans un article, le philosophe Michel Onfray valide lui-aussi ces craintes en expliquant que cette loi sera "une arme du politiquement correct pour que l’État profond puisse
imposer massivement sa censure afin d’interdire définitivement et
légalement toute pensée libre, tout débat libre, toute réflexion libre,
toute pensée originale, tout point de vue autonome et indépendant.".
Contenus concernés et visés par le texte (source next impact) :
- Apologie des crimes d’atteinte volontaire à la vie, d’atteinte volontaire à l’intégrité de la personne, d’agression sexuelle, de vol aggravé, d’extorsion, de destruction, de dégradation ou détérioration volontaire dangereuse pour les personnes, des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des crimes de réduction en esclavage ou d’exploitation d’une personne réduite en esclavage ou des crimes et délits de collaboration avec l’ennemi, y compris si ces crimes n’ont pas donné lieu à la condamnation de leurs auteurs
- Provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion
- Provocation à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap ou ayant provoqué, à l’égard des mêmes personnes, aux discriminations prévues par les articles 225-2 et 432-7 du Code pénal
- Contestation de l'existence des crimes contre l'humanité, négation, minoration ou banalisation des crimes de génocides, des crimes de réduction en esclavage ou des crimes de guerre
- Injure commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée
- Injure commise dans les mêmes conditions envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap
- Harcèlement sexuel
-
Captation, enregistrement, transmission, offre, mise à disposition,
diffusion, importation ou exportation, acquisition ou détention d’image
pornographique d’un mineur ; consultation habituelle ou en contrepartie
d’un paiement d’un service de communication au public en ligne mettant à
disposition des images pornographiques de mineurs.
- Fabrication, transport, diffusion ou commerce de message pornographique susceptible d’être vu ou perçu par un mineur
- Provocation directe à des actes de terrorisme ou apologie publique de ces actes.
Autres mesures prévues par la loi :
-
Obligation de blocage administratif et de déréférencement en 1 heure des
sites pédopornographiques, terroristes ou des sites illicites. EDIT du 12/05 : l'obligation de blocage des contenus terroristes s'appliquerait pour tous les sites internet sur demande de la Police si cet article est adopté, cela permettrait la censure de vidéo de mouvement sociaux notamment.
- Obligation de filtrage des contenus haineux, que pourra ordonner un tribunal. Blocage des sites miroirs par les FAI.
- Blocage des contenus pornographique sur les plateformes comme Twitter ou Facebook.
- Simplification et uniformisation des formulaires de signalement des contenus illicites.
- Création d'un bouton unique de signalement commun à toutes les plateformes.
- Obligation de « rendre compte publiquement des actions menées pour la lutte contre la cyberhaine et des résultats du traitement des contenus illicites.
- Conservation des contenus haineux pendant « une durée maximale d'un an pour les besoins de recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales, et seulement afin de mettre des informations à disposition de l'autorité judiciaire ».
- Création d'un observatoire de la haine en ligne chargé d'assurer « le suivi et l'analyse de l'évolution des contenus ».
- CSA pourra émettre des recommandations auxquelles les plateformes devront se conformer.
Même si l'objectif de lutter contre les contenus haineux présents sur internet est louable, cette loi risque de tuer l'information sur les réseaux
sociaux, d'entraîner la fermeture d'instances PeerTube ou Mastodon mais aussi d'instaurer une censure redoutable, ce qui fera bien les affaires de ce gouvernement très critiqué et ainsi que des suivants. Mais rassurons-nous, un internet non censurable arrive, grâce à de nombreuses initiatives d'un internet et des applications décentralisés grâce à la technologie blockchain.
mise à jour du 12/05/2020 : un exemple de ce que va donner cette loi ici.
sources :
https://www.nextinpact.com/news/108958-cyberhaine-proposition-loi-avia-en-lecture-definitive-13-mai-a-lassemblee-nationale.htm
https://fr.wikipedia.org/wiki/Proposition_de_loi_contre_les_contenus_haineux_sur_Internet