Le gouvernement (britannique) confirmera la semaine prochaine la date de lancement du blocage à l'échelle du Royaume-Uni de la pornographie en ligne selon l'âge, tandis que les militants de la protection de la vie privée continuent de s'inquiéter de la façon dont les sites Web et les entreprises de vérification de l'âge utiliseront les données qu'ils recueillent.
Souvent retardé, le plan de mise en œuvre du blocage selon la tranche d'âge, qui a été confrontée à des difficultés techniques, devrait être annoncé en même temps que les autres propositions du gouvernement pour lutter contre les contenus en ligne préjudiciables aux enfants, mais il faudra peut-être plusieurs mois avant que le système soit pleinement opérationnel.
Le blocage selon l'âge exigera que les sites pornographiques commerciaux démontrent qu'ils prennent des mesures suffisantes pour vérifier que leurs utilisateurs sont âgés de plus de 18 ans, par exemple en obligeant l'utilisateur à fournir un passeport un permis de conduire ou à se rendre chez un marchand de journaux pour acheter un passe réservé aux adultes. Les sites Web qui ne se conforment pas à ces règles risquent des amendes substantielles ou l'interdiction de leurs sites Web par tous les fournisseurs d'accès à Internet britanniques.
Jim Killock, directeur exécutif de l'Open Rights Group, a déclaré qu'il demeurait préoccupé par la perspective d'une fuite importante de données à la suite de la remise de son identité personnelle : "Cela pourrait conduire à démasquer des personnes. Il se peut aussi que vous soyez un enseignant ayant une préférence sexuelle inhabituelle et que vos élèves l'apprennent à la suite d'une fuite. vous ne serez pas viré pour avoir vu quelque chose de légal, mais ça pourrait détruire votre réputation".
"Les politiciens ne comprennent pas que les données sur leurs préférences en matière pornographiques peuvent finir entre les mains des journalistes ou d'autres personnes".
Killock, dont l'organisation milite contre l'intervention de l'État en ligne, s'est dit particulièrement préoccupé par le rôle joué par une seule société appelée MindGeek, qui possède de nombreux sites pornographiques majeurs tels que PornHub, et qui a fondé sa propre société de vérification de l'âge appelée AgeID : "Le problème est que vous donnez toutes vos données à l'équivalent pornographique de Mark Zuckerberg : " Voilà ce que j'aime, qui je suis et voici tous les sites que j'ai visités".
La société AgeID a précédemment estimé qu'il existe un marché de 25 millions de Britanniques pour son système de vérification de l'âge et qu'environ la moitié des adultes britanniques voudront accéder à la pornographie en ligne via son service.
Son système exigera que les individus créent un compte avec leur adresse mail et avec un mot de passe, puis qu'ils fournissent un passeport ou un permis de conduire, qui sera vérifié par une tierce partie. S'ils ne se sentent pas à l'aise pour le faire, ils peuvent se présenter en personne avec une pièce d'identité appropriée dans un kiosque à journaux pour acheter un "pass porno" pour 4,99 £ par appareil, le propriétaire du magasin vérifiant l'âge de l'acheteur.
James Clark, directeur des communications d'AgeID, a déclaré que la méthode de stockage du login et du mot de passe des utilisateurs vérifiés signifiait que "AgeID ne dispose à aucun moment d'une base de données d'adresses électroniques", citant des audits externes des processus de son entreprise.
"AgeID ne conserve aucune donnée personnelle entrée par les utilisateurs durant le processus de vérification de l'âge, comme le nom, l'adresse, le numéro de téléphone et la date de naissance. Comme nous ne collectons pas de telles données, elles ne peuvent pas être divulguées, commercialisées ou utilisées de quelque manière que se soit."
Il a affirmé que même si AgeID ne pouvait pas être utilisé pour relier les données visibles à l'identité d'une personne, les entreprises concurrentes de vérification de l'âge "ne sont peut-être pas aussi robustes" et pourraient être sujettes aux fuites.
La décision d'imposer des restrictions strictes en matière de contenu pornographique est surveillée de près par certains secteurs de l'industrie britannique des médias grand public, car elle créera un précédent pour le contrôle futur de l'Internet.
Malgré cela, la question a reçu relativement peu d'attention de la presse et les sondages de YouGov vus par le Guardian montre que les trois quarts des Britanniques n'ont pas entendu parler de l'interdiction imminente. Une fois informés de ses objectifs, 67 % d'entre eux ont déclaré qu'ils soutenaient l'effort visant à exiger la vérification de l'âge, sujet au centre des préoccupations concernant l'impact de la pornographie sur les adolescents britanniques.
Toutefois, un tiers seulement des Britanniques pensent qu'il sera efficace pour empêcher les enfants d'accéder à ce type de contenus, étant donné que les personnes qui souhaitent contourner le contrôle de l'âge pourront le faire facilement en utilisant les services d'un VPN, qui font apparaître un ordinateur comme s'il se situait dans un autre pays.
Les sites de médias sociaux tels que Twitter, qui contiennent de grandes quantités de contenu pornographique, ne seront pas affectés par les nouvelles règles.
La législation visant à introduire une restriction d'âge a été approuvée par le Parlement il y a deux ans, mais la date de mise en œuvre a été reportée à plusieurs reprises. Malgré les spéculations selon lesquelles l'interdiction pourrait être mise en œuvre le 1er avril, ceux qui ont connaissance du processus affirment qu'il n'y a aucune chance que cette date soit respectée.
Le British Board of Film Classification s'est vu confier le rôle de réglementer l'industrie britannique de la vérification de l'âge, ses directives exigent que les fournisseurs s'assurent de ne pas utiliser les données des consommateurs sans leur consentement.
Craig Lapper, responsable de la conformité à la BBFC, a déclaré que cette décision remettait en question "les anciennes certitudes et comportements qui se sont développées dans les premiers temps de l'Internet" concernant le fait "que cela ne peut être réglementé et c'est une chute libre".
Il a ajouté : "Les comportements ont changé publiquement et politiquement sur le fait que rien ne peut, ni ne doit, être fait. Parce que tout le monde est sur Internet tout le temps, les gens s'attendent à voir des normes similaires en ligne."
D'autres sites Web, notamment Tumblr, ont pris des mesures pour restreindre la disponibilité de la pornographie légale sur leurs services au cours des derniers mois. La tranche d'âge du Royaume-Uni a déjà donné lieu à un changement majeur dans la mise en œuvre de la loi britannique, le Crown Prosecution Service ayant redéfini ce qui est considéré comme du matériel légalement obscène.
Par Jim Waterson.
Article du 16/03/19, sauce :
https://www.theguardian.com/culture/2019/mar/16/uk-online-porn-age-verification-launch