Les opposants politiques d'aujourd'hui seront-ils les terroristes de demain ?

Le 18 septembre, à Limoges, des véhicules de gendarmerie mobile par étaient incendiés par des gendarmes anarchistes. Indymédia Nantes relayait un communiqué de revendication [1].

Le jeudi 21 septembre, un autre incendie ravageait à Grenoble un hangar de la gendarmerie contenant 50 véhicules. Coût des dégâts : 20 millions d'euros [2].

Dans la foulée des événements, le site islamo-trotskiste Indymédia Grenoble, publiait un communiqué de revendication :

Solidarité incendiaire -  Ce jeudi, à trois heures du matin, deuxième jour du procès de la voiture brûlée [NDRL : du quai Valmy]. Avons pénétré dans la caserne de gendarmerie Vigny-Musset. Avons incendié six fourgons d’intervention et deux camions de logistique. Le garage et l’entrepôt ont été ravagés sur plus de 1500 mètres carrés. Cet acte s’inscrit dans une vague d’attaques de solidarité avec les personnes qui passent en procès ces jours-ci. Forte accolade à Kara et Krem. Une pensée pour Damien, récemment tabassé par les flics. Quelle que soit l’issue du procès, on continuera à s’en prendre à la police et à la justice. Notre hostilité est un feu qui se propage. - Des nocturnes

Quelques heures après cette publication, Indymédia recevait un courriel de l'Office Central de Lutte contre la Criminalité liée aux Technologies de l’Information et de la Communication (OCLCTIC), les informant que :
  • L'article contrevenait aux dispositions de l’article 421-2-5 du code pénal (provocation à des actes de terrorisme ou apologie de tels actes).
  • Qu'en vertu de l'article 6.1 sur la loi sur la confiance dans l'économie numérique (L.C.E.N) le contenu devait être retiré.
  • Qu'en l'absence de retrait le site serait bloqué administrativement (blocage DNS / déréférencement).
Indymédia a supprimé le contenu de l'article [2] pour éviter un blocage du site (contournable par un changement de DNS). La réelle conséquence d'un "blocage" aurait été une baisse sérieuse de sa fréquentation. Le site de BFM et du Dauphiné Libéré, qui avaient relayé la revendication, n'ont pas été censurés par l'OCLCTIC.

Pour résumer, l'utilisation de plusieurs lois visant à lutter contre le terrorisme ou la pédopornographie, commencent à être utilisé pour censurer. Il y a le code Pénal qui rend illégal un contenu, la LCEN qui oblige les hébergeurs à supprimer du contenu et des décrets qui permettent de bloquer un site contestataire ou une page Facebook. D'ailleurs, la France est le pays qui bloque le plus de pages Facebook comme par exemple celles des groupes identitaires et nationalistes lors du deuxième tour de la présidentielle 2017. Et tout cela sans décisions judiciaires, c'est le gouvernement qui décide.

Il faut ajouter que censurer une information sur internet est improductif, car il s'en suit toujours une diffusion massive sur les réseaux sociaux et l'information est copiée puis diffusée à nouveau (Effet flamby ou effet Streisand). Bien entendu le cas d'Indymédia n'a pas fait exception à la règle.

Malheureusement, il est difficile de connaître l'ampleur des blocages administratifs et des demandes de retrait.



Néanmoins, six ans après, l'analyse Korben sur la LCEN était prémonitoire [3] :
Il s'agit de l'article 18... Grosso modo, ça dit que les autorités ont le pouvoir de stopper une activité en ligne (censurer un site internet) s'il y a atteinte effective ou possible à tout ce que j'ai mis en gras ci-dessus. Ça concerne aussi bien les commerces en ligne (biens et services) mais aussi les services d'informations (comme les blogs), de communication, de recherche, d'accès et de récupération de données, d'accès à un réseau de communication ou d'hébergement. En gros tout ce qui respire virtuellement sur le net, tout ce qui y donne accès ou tout ce qui le compose est potentiellement censurable grâce à la LCEN. - 16 juin 2011
Jean Mohamed investit dans les pigeons
La fils-de-puterie n'est pas finie. Le projet de loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme vise à faire passer dans la loi certaines dispositions du controversé l'état d'urgence. Voici quelques dispositions qui sont demandés par la DGSI (entre autre) [4] :
  • L'obligation pour un individu, si son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics et s'il en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme de déclarer ses identifiants de communications électroniques (numéro de téléphone, identifiant facebook, Amazon, whatsapp, ect...) afin d'effectuer une surveillance en temps réel. Les mots de passe ne sont pas concernés. Et si vous oubliez un identifiant vous risquez 3 ans de prison et 45000 euros d'amende. Si un terroriste déclare ses identifiants, on doute que celui-ci les utilise encore pour communiquer.
  • Délit de consultation habituelle et sans motif légitime des sites terroristes : deux ans d'emprisonnement et 30000 d'amendes.
  • L'adhésion à un groupe Facebook peut justifier une perquisition administrative.
  • Inspections visuelles des bagages et des palpations de sécurité par des agents de sécurité privés, sous contrôle des policiers et gendarmes. Jean Mohamed qui veut se faire exploser dans la foule va se laisser fouiller gentiment...
  • Surveillance individuelle d'un individu si son comportement constitue une menace d’une "particulière gravité" et qui entre en relation habituelle avec des personnes ou organisations aux visées terroristes ou qui soutient ou adhère à des thèses incitant au terrorisme. Utilisation de bracelets électronique, pointage au commissariat.
  • Instauration de zones de protection ou de sécurité, où certains individus ne pourront pas se rendre.
  • Le terme perquisition administrative est renommé en visites domiciliaires. Belle utilisation de novlangue, ça donne presque l'impression que la Police va te rendre une visite sympa à n'importe quelle heure mais qu'en plus ils t'apportent le café et les croissants.
Alors, les opposants d'aujourd'hui seront-ils les terroristes de demain ? L'actualité récente, le laisse supposer: utilisation de l'état d'urgence pour annuler des manifestations (marches pour le climat annulées), assignations à résidence d'opposants (lors de la cop 21 ou encore lors des manifestations contre la loi travail), interdiction d'aller dans certains département à des journalistes ou des manifestants.

L'état d'urgence, dont l'efficacité est remis en cause si celui-ci est utilisé sur le long terme, sert, en autre, à contenir un climat social insurrectionnel (62 % des jeunes en France prêts à une révolte de grande ampleur), sa fusion dans la loi permettra une répression tout azimut (voir la longue liste des abus recensés ici).

L'avenir nous dira qui aura raison mais encore une fois les craintes des défenseurs des libertés publiques risquent de s'avérer exactes.

Spoiler : les attentats vont continuer.

PS : en revanche, si vous collaborez et financez le terrorisme avec la bénédiction du ministères des affaires étrangères vous ne risquez rien [5].



Sauces :
[1] https://lundi.am/Incendie-de-la-gendarmerie-de-Grenoble
[2] https://grenoble.indymedia.org/2017-09-21-solidarite-incendiaire
[2] https://grenoble.indymedia.org/2017-09-22-Communique-apres-Indymedia
[2] https://nantes.indymedia.org/articles/38613
[3] https://korben.info/lcen-justice.html
[4] http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/09/26/etat-d-urgence-dans-le-droit-commun-les-enjeux-de-la-loi_5191447_4355770.html
[4] http://www.gouvernement.fr/action/renforcer-la-securite-interieure-et-la-lutte-contre-le-terrorisme

[5] http://www.rtl.fr/actu/politique/loi-antiterroriste-pourquoi-les-deputes-ont-rejete-un-amendement-anti-lafarge-7790249039
[5] https://www.valeursactuelles.com/economie/un-ancien-dirigeant-de-lafarge-reconnait-avoir-finance-letat-islamique-avec-laval-de-la-france-88840



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